17.02.2025 par MAF
num.346 mars 2025 p.17 Les Enfers c'est le Paradis !
Je ne crois pas que les Hommes soient faits pour vivre les uns sur les autres, dans le bruit constant et l’agitation permanente. A Genève où j’ai grandi, la tendance est à la densification, à la multiplication des restaurants et des commerces, à la croissance démographique. La population en est-elle plus heureuse, plus épanouie ? Je ne le pense pas. Pour ma part, j’ai choisi ce week-end de m’échapper du tumulte genevois et de me rendre dans ma commune d’origine, Les Enfers, dans le Canton du Jura. Ne vous laissez pas berner par son nom : cet endroit est paradisiaque ! Pour commencer, l’environnement est magnifique. Il y a des prés à perte de vue, de nombreuses forêts de conifères, partout se dessinent les douces silhouettes des chevaux et l’on croise fréquemment des vaches, qui nous observent timidement. A l’horizon se dressent quelques fermes charmantes et dans leurs cours dorment paisiblement des chiens. Il y a tellement d’espace et l’air est si pur. Aux Enfers on prend son temps. On ne se précipite pas. On a quelques amis de longue date pour lesquels on s’investit réellement et l’on est toujours disponible. On se rend de temps à autre à l’auberge du coin, à qui l’on est loyal et où l’on se régale. On boit le lait des vaches de la région, on savoure le miel des sapins alentours, les œufs frais de ses propres poules et le pain tiède sorti du four. On ne s’éparpille pas. Ici les routes sont toujours dégagées, on trouve facilement une place de parc, un emploi ou un logement. Dans cette commune, on est cordial. On se connaît, on se comprend. La langue et les valeurs sont partagées, on se soutient, on se salue. Lorsqu’un enfant vient au monde, tout le village s’en réjouit. Et lorsqu’une existence prend fin, tous les voisins pleurent le défunt. Oui, les Enfers c’est le Paradis ! La férocité et l’aigreur n’y ont pas leur place. Les tensions sont rares. Les immeubles ternes, les maisons modernes – inspirées de l’esprit aliéné du Corbusier – sont heureusement aux abonnés absents. Les bouchons, la pollution, la frustration, le stress et l’angoisse diffuse n’existent pratiquement pas. Les inconnus bruyants, décevants, leurs vociférations quotidiennes et les palpitations qu’ils provoquent sont exceptionnels. Les bousculades, les engueulades, les files d’attente, le manque de sens, les nuits sans sommeil et l’épuisement existentiel ne peuvent pas prospérer au milieu des champs de blé. Là d’où je viens, il n’y a ni klaxons, ni insultes. On entend les oiseaux chanter. Manon auteur : Manon Frésard
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