12.03.2025 par SSP
num.347 avril 2025 p.08 Contre la grammaire sociale à tous crins
Par ces temps incertains, la tentation est grande de se saisir d’étiquettes toutes faites, pour contenir l’autre, le bizarre, l’inhabituel, dans les limites d’un concept apparemment validé socialement, donc sûrement bien solide. Pas comme les intentions mouvantes et imprévisibles de cette voisine retraitée, de ce compagnon, de cet ado, bref de cet humain qui pour être humain comme soi, n’en est pas moins dérangeant. Et pour cause : à force d'évoluer sur des terrains mouvants qui obligent à s’adapter constamment, la différence vient comme un surplus dont on se dit qu'on pourrait bien se passer. D’où ce paradoxe terrible : la différence n’est pas moins perturbante aujourd’hui qu’hier, peut-être même est-ce le contraire ; et les mots posés sur elle pour la démystifier servent d’insultes ordinaires, davantage que de leviers de compréhension. Sabrés, simplifiés, tronçonnés… et voilà les beaux continuums de la santé mentale, de la neurodiversité, du genre et autres bonnes intentions, découpés en rondelles étroites et ressemblant furieusement à des boîtes. Celles-là même dont on voudrait se débarrasser. Ainsi, la grammaire sociale, passion triste de notre temps, doit-elle être relativisée. Imaginons quelques règles salutaires à ce petit jeu pervers. Si vous voulez mettre en boîte votre prochain - ou vous-même - préférez les formes pleines de coins ouverts, où les grains de folie pourront trouver leur chemin ; ou alors des formes fêlées qui laissent s'échapper la lumière ; et surtout, surtout, ne posez jamais de couvercle ! Les diablotins les mieux confinés pincent les doigts en le faisant sauter, direct ! auteur : Sarah Schmid-Perez
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