A Versoix, tout le monde l'appelait Monmon mais son vrai nom est Edmond Vallet (selon l'orthographe de l'Etat civil) ou Edmond Valette (pour les historiens du coin). Il est né à Versoix le 12 décembre 1939. Son père, Adolf, originaire de Chamoson (VS), était pêcheur à Versoix. On dit que sa mère, Anna, préférait la boisson au poisson. Ils habitaient à la rue de l'Industrie, à l'emplacement de l'actuelle Place du Bourg. Il a "suivi" ses classes à l'école de Versoix avec quelques uns de ses contemporains, dont plusieurs "notables" de Versoix. Peu ou pas scolaire (c'est un euphémisme), l'un d'eux dit que Monmon a passé plus de temps dans la cour que dans la classe ! Cela ne l'a pas empêché d'aider ses parents dans les tâches de pêcheur (comme le montre cette photo* prise en 1965), jusqu'au décès de sa mère en 1976. A cette époque, on démolit les vieilles bâtisses pour créer la Place du bourg et les immeubles de la rue de l'industrie.
C'est à cette période (1976-80) qu'Anne-Lise Bapst (alors adolescente allant à l'école à Genève) remarque Monmon, comme premier agent de circulation non officiel de Versoix, réglant bénévolement et fort adroitement la circulation au carrefour route de Suisse / rue de l'Industrie. "Roule, roule" disait-il déjà en gesticulant avec précision au milieu du carrefour. Il allait même jusqu'à se placer à côté de l'agent de police, lorsqu'il y en avait un (sans doute compréhensif), et faisait la circulation mieux que lui, paraît-il ! Les bouchons de Versoix n'existaient pas encore ! Etait-ce grâce à lui ? Elle pense que Monmon a été, sans le savoir, le premier APM de Versoix!
Son père, qui occupait depuis 1979 un appartement à la Rampe de la Gare n°2, décède en 1982. Le laitier d'en face, M. Mulheim (dont le magasin abrite aujourd'hui la Raiffeisen), avait déjà pris Monmon "sous son aile" pour l'accompagner dans plusieurs tâches : livraisons, s'occuper des cochons qu'il élevait à Richelien, etc.
Durant une quinzaine d'années M. Mulheim s'est occupé de Monmon, jusqu'à la fermeture de son commerce.
Depuis, Monmon logeait seul dans un appartement au 2 de la Rampe de la Gare, avec quelques aides sociales ponctuelles, un tuteur mais surtout, avec la bienveillance de ses voisins - d'abord Jean-Jacques Cornu au Café du chemin de fer, le Dr Crocci puis Nathalie et Pascale Brack - qui veillaient discrètement sur lui et le "recadrait" si nécessaire.
Ainsi, malgré son handicap, Monmon a pu vivre une vie presque normale, avec une relative indépendance grâce à la bonne compréhension de son entourage. Son village, c'était la Rampe de la Gare, l'entrée de l'UBS ou celle de la COOP, la Gare, parfois une escapade en train jusqu'à Genève. Il était bien compris par le personnel et les habitants, malgré ses apostrophes parfois dérangeantes mais bien sympathiques lorsqu'on connaissait un peu le personnage. C'est un exemple remarquable de cohésion sociale versoisienne, comme le dit notre ministre des finances !
Hospitalisé depuis trois petits mois, Monmon s'est éteint après une courte maladie, le 11 février, pour rejoindre le royaume des cieux qui lui appartient désormais. Grâce à l'intervention de "ses proches" ses cendres ont pu être, in extremis, ramenées à Versoix et une cérémonie très touchante a rassemblé une quarantaine de ses amis le 27 février au Jardin du souvenir du Cimetière de Versoix. Ainsi, il reposera chez lui, en paix.
Nous ne reverrons plus Monmon, du moins pas dans cette vie. Nous n'entendrons plus - si ce n'est en mémoire - ses sempiternelles interpellations qu'il adressait à chacun en guise de salut : "J'ai plus d'sous, j'ai plus d'sous" ; "Va travailler, va travailler"; "T'as une pièce ?, t'as une pièce ?".
Adieu Monmon, sans toi, la Rampe de la Gare ne sera plus tout-à-fait la même !
* ©Patrimoine versoisien