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22.11.2017 par ro
num.274 déc.2017-janv.2018 p.24
PSIA AEROPORT Contradictions vues par l'ARAG

Le projet de fiche Genève du Plan sectoriel d'infrastructure aéronautique (PSIA) est publié le 15 novembre 2017. Le Ministre de tutelle de l’aéroport de Genève, M. Maudet, le qualifie de «contre-projet» à l'initiative de la Coordination régionale pour un aéroport urbain respectueux de la population et l'environnement (CARPE). Il m’est impossible de laisser passer une telle affirmation sans commentaire.

Le respect prôné par la CARPE, qui regroupe une vingtaine d'associations environnementales ou d'habitants, est absent du PSIA. Notre initiative vise une gestion démocratique du développement de l'aéroport, tandis que le PSIA vise uniquement son développement, imposé depuis Berne et adoubé par ceux qui pilotent l’aéroport à Genève.

Le plus choquant, c'est que le projet «Cointrin Vision» pour des hôtels et commerces pour 3 milliards de francs - secret jusqu'à sa révélation en mai 2016 par feu L'Hebdo - est ressuscité. Alors que Genève Aéroport nous avait fait croire qu'il était enterré car trop onéreux, ce chantier pharaonique est désormais ancré dans le PSIA, sans avoir été soumis à la population ni même au Canton. Mais partout, les aéroports ont évolué pas seulement en vaches sacrées, mais en vaches à lait, et il convient de rappeler que 50 % du chiffre d'affaires de Genève Aéroport provient des commerces et du parking.

En fait l'aviation, malgré son impact énorme sur la société, occupe une place à part dans les politiques internationales, fédérales et cantonales. Le Plan climat cantonal (PCC) 2015, par exemple, vise d’ici 2030 une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% par rapport à 1990, mais fixe un objectif spécial pour le trafic aérien, consistant à stabiliser les émissions de GES au niveau de 2014. Ceci, bien sûr, sans compromettre l’activité économique de la région. Le PCC considère une telle stabilisation «ambitieuse», et parle d’élaborer une stratégie spécifique et «d’engager une réflexion sur le développement de l’aéroport avec l’ensemble des parties». Or, cette réflexion va devoir s’organiser rapidement car, dans le cadre du PSIA, le délai pour les prises de position court déjà.

Côté Confédération, l'aéroport doit pouvoir se développer en fonction de la demande économique «dans le respect des principes du développement durable», tandis que, paradoxalement, «une pollution de l'air excessive... doit être tolérée à moyen terme dans le périmètre de l'aéroport et des zones voisines». Laissant de côté la question de la définition de «moyen terme» et la fâcheuse tendance de la pollution à ne pas respecter les limites imposées par les gouvernements, cela veut-il dire qu'à plus long terme nous aurons droit enfin à une pollution de l'air «normale»? Cette fois-ci la Confédération se garde bien d'imposer quoi que ce soit, préférant la langue de bois : «à long terme, il y a lieu de veiller à ce que les valeurs limites de l'Ordonnance sur la protection de l'air puissent être respectées».

Ce n'est pas la seule contradiction. Les chapitres pieux sur la «protection» de l'air/des eaux/de la nature ne parlent pas des impacts nocifs des nombreux chantiers eux-mêmes, alors que la construction constitue un facteur majeur de changement climatique, et qu'il est désormais acquis que la pollution de l'air cause des milliers de morts prématurées en Suisse. Par contre, le document reconnaît explicitement que les émissions de l’aéroport en oxydes d’azote vont augmenter d’ici 2030, annulant ainsi les effets entrepris sur le reste du territoire cantonal. On parle également de la «valorisation écologique». Inutile d'examiner de trop près ce concept tout à fait psiatique, les mesures mentionnées sont de toute manière subordonnées aux «besoins» de développement de l'aéroport. Quant à la mobilité, il est proposé de diminuer l'usage des voitures en élargissant (sic) l'autoroute et construisant de nouvelles places de parc, des idées non seulement incohérentes, mais qui ne réflètent guère le respect de l'environnement auquel on s'attend d'une société moderne et intelligente comme la Suisse. Quant au respect de la population, le but des mesures décrétées par Berne pour étoffer le réseau local des transports publics n'est pas de subvenir aux besoins quotidiens des contribuables genevois qui devront les financer, mais d'appuyer le développement de l'aéroport.

Quant au trafic aérien en tant que tel, alors que Genève Aéroport martèle depuis des mois que la chiffre de 25 millions de passagers ne serait pas un objectif en soi, le PSIA nous informe que, au lieu des 40 mouvements par heure actuels, l'objectif (sic) est d'en viser 47 d'ici 2030, soit 3-4 mouvements toutes les 5 minutes. Aucun couvre-feu à l'instar de Zurich - au contraire, l'aire Nord sera désormais en service jusqu'à 00h (00h30 avec la «demi-heure de grâce»), et on nous promet de surcroît encore 3 vols long-courrier entre 22h00 et 00h(30). On nous rassure que ceux-ci s'effectueront uniquement avec les avions «les plus performants au niveau acoustique», mais de quoi s'agit-il ? Vise-t-on la performance relative, au sein de chaque ligne aérienne (qui pourrait alors utiliser un avion ancien mais toujours «le plus performant» de sa flotte individuelle), ou la performance absolue, en n'accordant des créneaux long-courrier qu'aux lignes aériennes qui auront déjà acquis les avions les plus performants sur le marché ? Question pertinente, puisqu'il n'existe pas encore d'avion long-courrier qui ne soit pas très bruyant, car très lourd, avec son plein de passagers et de kérosène. Par ailleurs, à la différence des rglements antérieurs, cette dernière version n'impose plus que les compagnies planifient les vols de nuit «avec grande retenue».

Pour le bruit, d'autres sont plus qualifiés que moi d'en faire l'analyse technique. Sur le plan politique, je noterai seulement que Genève Aéroport devra effectuer une analyse annuelle du développement du bruit et, en cas de dépassement des niveaux admissibles, proposer des mesures correctives. Pourtant si celles-ci se révèlent impraticables «pour des questions d'ordre technique, opérationnelle ou économique», p.ex. si les avions ne sont finalement pas aussi «performants» que prévu, l'aéroport pourra proposer une modification des niveaux admissibles en fonction !

Tout cet argent, tous ces désagréments et nuisances, tous ces avions ... pourquoi ? Qui définit les «nécessités» et «besoins» sous-jacents le PSIA ? Je n'y vois que les besoins des compagnies aériennes, pas les besoins en matière de santé et d’environnement de la population. Pour M. Maudet, le développement de Cointrin continuera, mais il faudra faire des choix. «On ne pourra pas, dit-il, avoir tous les vols à n'importe quelle heure, avec n'importe quel impact». Nous avons pris bonne note de cette affirmation, qui représente une évolution dans la pensée politique cantonale, et attendons avec impatience de connaître les procédures qui seront utilisées pour faire ces choix. Ce sont des choix politiques et non administratifs, et la question est de savoir quelle en sera la portée. La Confédération nous annonce déjà la couleur - «les mécanismes cantonaux de surveillance de l'exposition bruit servent à alimenter les débats au niveau cantonal et ne lient pas la Confédération» - en nous rappelant d'ailleurs que toute mesure sociale ou environnementale qui se révélerait impraticable pour des raisons économiques ou des motifs de « développement » ne sera pas mise en œuvre.

L’initiative de la CARPE vise entre autres l'ancrage de Genève Aéroport dans la Constitution genevoise à l'instar d'autres installations clés du Canton; la confirmation du statut public de Genève Aéroport, afin d'écarter le risque de privatisation à la zurichoise (notamment pour chercher les Fr. 3 mia pour Cointrin Vision); et à obliger nos élus à imposer à Genève Aéroport des mesures efficaces destinées à assurer le respect dans les faits des autres articles pertinents de la Constitution sur la santé et l'environnement. Rien de pareil dans le PSIA.

Les décisions concernant notre aéroport sont trop importantes pour le destin de notre région pour les laisser aux techniciens et autres compagnies aériennes. La CARPE organise donc, en vue d'une votation probable au cours de 2018, une série de réunions publiques au sujet de l'initiative, prochainement à Chancy, Vernier et Meyrin et, en 2018, à d’autres communes (voir http://carpe.ch/events/).

Bienvenue au débat.

Nigel Lindup - Président de l'ARAG

 

auteur : rédacteur occasionnel

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