15.01.2018 par MG
num.275 février 2018 p.24
PSIA : la défaite du Conseil d'Etat genevois est aussi notre défaite

Au cours de plusieurs présentations, les représentants du Conseil d’Etat genevois ont voulu nous faire croire que le Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (PSIA) est une victoire locale contre les toutes-puissantes instances fédérales du DETEC et de l’OFAC. Or, en examinant ce plan, il est évident que la Confédération n’a absolument rien cédé : on nous promet davantage de passagers et de vols à l’aéroport de Genève, y compris des vols nocturnes à des heures tardives. Il a seulement été admis que notre Conseil d’Etat peut statuer sur des points qui, de toute façon, sont internes à Genève. Lors de la séance d'information publique tenue à l’aéroport le 30 novembre dernier, les orateurs MM. Marcel Zuckschwerdt, directeur suppléant, OFAC, Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chargé du DALE, Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé du DSE, Luc Barthassat, conseiller d’Etat chargé du DETA, et André Schneider, directeur général de Genève Aéroport ont fait une présentation ensemble et accepté de répondre aux questions. Ce presentation se trouve sur le site de l’ARAG à l’adresse

http://aragge.ch/PSIA/AIG_20171130_presentation.pdf

Pourtant, le modérateur ce soir-là, membre principal de l’équipe de campagne de M. Maudet pour l’élection au Conseil fédéral et désormais redevenu employé de l’aéroport, a tout fait pour éviter que les personnes présentes au bénéfices des meilleures connaissances du PSIA ne puissent poser de questions. Vers la fin de la soirée il s’est même approprié des deux micros portables et les a maintenus loin de nous.

M. Zuckschwerdt insiste que la mission de l’aéroport est de répondre à la demande du marché s’agissant des liaisons aériennes. Il cite le Rapport 2016 sur la politique Aéronautique Suisse (qui semble être la bible de l’OFAC). Or, ce rapport, qui avait été très fortement influencé par le lobby de l’économie et qui, comme le PSIA, ne sera jamais débattu au sein du parlement fédéral, contient des affirmations inexactes. En concluant son intervention, le directeur suppléant de l’OFAC affirme notamment que ce PSIA « concrétise la recherche d’un équilibre entre le développement économique et les exigences environnementales ». On peut penser que cette recherche n’a pas abouti.

M. Hodgers déclare pour sa part que ce PSIA fixe un plafond aux nuisances sonores (courbe plafond) et vise une réduction de l’enveloppe de bruit à l'horizon 2030 (courbe cible). Ce qu’il semble ignorer, c’est que la courbe plafond 2019 a été calculée par l’EMPA (Eidgenössische Materialprüfungs- und Forschungsanstalt : Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) sur la base de prévisions du trafic aérien fournies par l’aéroport, complètement irréalistes. Elles incluent toujours les Jumbolinos de Swiss, qui ont déjà été remplacés par les Bombardier CS100 et CS300, et utilisent un facteur d’augmentation des vols des avions lourds de 4,9%, alors que les statistiques de l’aéroport indiquent une réduction de 0,35% en 2017 par rapport à 2016. On peut craindre que cette courbe plafond a été artificiellement gonflée afin de garantir à l’aéroport quelques années de paix. Quant à l’année 2030, il est absurde de penser pouvoir prévoir ce qui se passera d’ici une douzaine d’années.
Alors, que veut M. Hodgers ? Rien d’autre que de garder la possibilité de construire beaucoup de logements, nonobstant le fait que ceux-ci se trouveront tout près de l’aéroport, avec une garantie fédérale des nuisances (bruit, pollution de l’air, odeurs de kérosène) sous forme de PSIA. Ainsi, d'une part il aura rempli son mandat, et d'autre aura certainement changé d’emploi quand les problèmes de santé commencent à pointer.

Le discours de M. Maudet résonne, comme toujours, à la gloire de l’aéroport. Les nuisances, il ne les connaît pas ! Rappelons qu’au Grand Conseil les membres de son parti politique, appuyés par les Verts (une honte !), ont voté pour tuer une pétition des riverains demandant une diminution des nuisances.

M. Barthassat est lui satisfait que la pollution atmosphérique diminue dans beaucoup de lieux. Le fait qu’elle augmente autour de l’aéroport n’est pas son souci. Il mentionne une volonté de transparence s’agissant des données publiques mesurant l'évolution du bruit, mais à l’évidence ne sait pas que cette volonté ne s’applique pas à l’aéroport. Il parle d’un plan d’action pour la mobilité : a-t-il ensuite pris connaissance des critiques de la Coordination Transports et Déplacements (Tribune de Genève du mardi 9 janvier), qui demande de remettre en cause la croissance de l’aéroport ?

Quant au directeur de l’aéroport, M. Schneider, il évoque ses bonnes intentions : trouver un équilibre entre le maintien et le développement du rôle économique de notre aéroport urbain et la limitation de son impact sur ses riverains, mais aussi sur le développement territorial du canton et de ses communes. Est-ce le même équilibre que celui visé par l’OFAC ? Et qui va en juger ? Vu la différence de poids entre le lobby tout-puissant des compagnies de l’aviation et les « petits » riverains de l’aéroport, il y a fort à craindre que ces bonnes intentions ne seront pas maintenues.Sur les engagements du directeur concernant la conduite des opérations, permettez-moi quelques remarques :-

1. « Limitation des décollages de l’aviation d’affaires dès 22:00 aux avions les moins bruyants ». En 2017 l’ARAG a identifié 1844 décollages après 22h, dont 1638 avions de ligne et 52 avions de fret (le plus souvent en classe de bruit III et construits au siècle dernier). Restent 154 autres décollages desquels, en supposant que la définition « moins bruyant» vise les avions de classe de bruit IV et V, on peut retirer les 71 avions en classe V et 42 avions en classe IV. Parmi les 41 autres décollages figurent des hélicoptères effectuant des vols médicaux et quelques turboprops légers. Au final, nous ne dénombrons que 17 avions en classe de bruit III (les Dassault Falcon) et un seul avion (un vieux Falcon 50) en classe de bruit II. Autrement dit cette limitation ne servira à presque rien !

2. « Réduction des retards, notamment ceux intervenant dès 22:00 ». Facile à dire, mais quels sont ces décollages en retard ? La réponse : il s’agit en très grande partie d’avions de la compagnie easyJet Angleterre qui, après avoir fait plusieurs rotations à l’extérieur de la Suisse et accumulé du retard en raison de slots perdus, arrivent à Genève très en retard avant de repartir également très en retard. En 2017, parmi les 261 décollages après 23h (oui, moins d’une heure avant minuit !), 192 appartenaient à easyJet Angleterre. Que peut réellement faire le directeur contre la compagnie dominante à l’aéroport ?

3. « Vols intercontinentaux planifiés dès 22:00 seront limités au nombre maximum de trois vols et seront opérés par des avions avec les meilleures performances acoustiques (classes de bruit 4 et 5) » Désolé, mais la classe de bruit ne peut pas éviter le fait qu’un avion comptant plus de 300 passagers et le plein de kérosène nécessaire pour voler pendant 10 heures sera toujours très bruyant. D'après le Service d'environnement et développement durable de l'aéroport de Genève, les avions gros-porteurs «sont caractérisés par un gabarit plus imposant (donc plus de bruit dû au frottement de l'air) et de ce fait ils sont équipés de moteurs plus puissants (donc plus bruyants) ». Et n’oublions pas le fait que trois autres vols intercontinentaux pourront être planifiés peu avant 22h, leur permettant, en cas de retard, de décoller jusqu’à 0h29 !

4. « Sensibilisation des compagnies aériennes et incitation au renouvellement des flottes (taxe bruit) ». A l’évidence, les incitations financières sont si dérisoires à Genève que le nombre de vols d’avions bruyants continue à augmenter. La seule véritable incitation serait d’imposer un couvre-feu plus strict pour ces avions.

De fait, le directeur n’a pas encore pu prouver qu’il a les moyens, et la volonté, de réduire le nombre de mouvements nocturnes, dont l’augmentation annuelle dépasse de loin l’augmentation du trafic total. En acceptant un développement de l’aéroport qui promet davantage de nuisances, le Conseil d’Etat genevois ne nous a pas correctement défendus. Est-ce possible qu’une majorité de ses membres adhère au point de vue que seul compte réellement l’agrandissement de l’aéroport, en dépit des menaces sur la santé de la population riveraine ?

Au cours de la campagne électorale de cette année il faudra interroger les candidats de près sur leurs opinions et positions vis-à-vis de l'aéroport urbain et la défense des habitants contre les nuisances qu'il génère.

Comme mot de la fin, Il est regrettable que la Confédération n’ait pas prévu un délai unique pour l’envoi des prises de position, ou au moins un délai plus long que le 8 janvier, jour de la rentrée des vacances de Noël, pour les citoyens et les associations organisés bénévolement. Espérons que cela permette à l’OFAC de prendre la peine de lire en détail les nombreuses réponses qui lui ont été adressées! Notons d’ailleurs que, contrairement à l’habitude, les prises de position n’ont pu être transmises qu’en version imprimées, ce qui fait douter que l’OFAC se penchera réellement sur ces documents pour en produire un rapport détaillé.

 

auteur : Mike Gérard

<< retour  rafraîchir cette page

 0 réaction(s) sur "PSIA : la défaite du Conseil d'Etat genevois est aussi notre défaite"
Merci de vous inscrire avant de pouvoir réagir (gratuit).
login (email) 
pass 
Vous avez oublié votre mot de passe, vous voulez le recevoir par email:
email
Si vous n'avez pas de login pour ce site versoix-region.ch
Entrez vos nom ET prénom pour vérifier que vous n'êtes pas déjà répertorié
* nom* prénom
continuer