Monsieur SCHNEIDER, directeur de Genève-Aéroport
26.08.2021 par PAD
num.312 octobre 2021 p.06
Genève-Aéroport exprime sa vision du trafic aérien

Entretien avec le directeur de l’aéroport de Genève, Monsieur André Schneider

Genève Aéroport (GA), par l’intermédiaire de Monsieur Jeannerat nous a sollicité, suite aux nombreux articles que notre journal a diffusés concernant les diverses nuisances engendrées par ce mode de transport qu’est l’avion afin d’échanger et de mettre à plat certaines crispations qu’ont pu susciter nos divers écrits.

C’est une bonne occasion de se rencontrer afin de partager des informations et de s’entendre en direct sachant bien que chacun est libre d’exprimer son point de vue.

Quelques chiffres pour jauger l’impact de Genève Aéroport :
Chiffres pour l’année 2020 et, entre parenthèses, ceux de l’année 2019 (sans covid)


Économie :
191 millions de francs de chiffre d’affaires (494 millions)
135 millions de francs d’investissement
130 millions de déficit (84 millions de bénéfice)

Géographie :
54 compagnies aériennes (Easyjet 46% - Swiss 14 %)
desservent 147 destinations mondiales

Social :
1041 employés équivalent plein temps
5,6 millions de passagers (17.8 millions)

Activité sonore : (La classe 5 est la classe de bruit la moins nuisible)
23% des mouvements sont effectués par des avions de la classe de bruit de niveau 5
67% par ceux de la classe 4
10% par les plus bruyants, classes 1, 2 et 3


GA nous a proposé certains sujets qui lui tenaient à cœur et nous allons les suivre (texte en gras) et donner les réponses de Monsieur Schneider, directeur de l’aéroport de Genève, dessous.

Bonjour Monsieur Schneider et merci de nous recevoir.

Vous nous dites que certains articles du Versoix-Région vous ont crispé, voulez-vous en parler ?

On ne va pas commencer avec ce sujet concernant vos articles car on risque de batailler sur des détails, importants certes, mais qui peuvent masquer l’image du tout. Ce qui nous intéresse c’est de mettre en avant notre vision des choses et de laisser les gens juger. Il y a deux regards, celui de l’aéroport qui reconnaît par exemple le besoin de réduire le bruit, et nous le réduisons (les courbes de bruit le prouvent) et celui de certains riverains qui pensent que nous n’en faisons pas assez. De plus, par la loi, nous devons parvenir à un équilibre financier, sans subventions.
Il est bien difficile de satisfaire totalement tout le monde, tant les souhaits sont divergents.

Genève-Aéroport est-il intéressant pour le canton, pour la Genève internationale et pour l’économie régionale ?

Oui, GA est d’un grand intérêt pour l’ensemble de la communauté, personne ne le conteste et le développement de la région est étroitement lié avec notre aéroport. 90% des passagers voyagent vers une destination européenne. Le tourisme ou les activités internationales (la rencontre Biden-Poutine en est le récent reflet) sont favorisés par son existence et les voyages d’affaires se sont développés aussi grâce à lui car il est possible de faire un aller et retour dans la même journée vers 50% des centres économiques d’Europe, ce qui est primordial lorsque vous êtes un acteur économique. GA est l’un des trois plus importants aéroports européens au point de vue des mouvements de l’aviation d’affaires. Il faut aussi reconnaître que de nombreuses personnes utilisent l’avion et GA prioritairement pour se rendre dans leur famille ou pour aller en vacances.
GA est ainsi au cœur de l’activité économique de la région et a contribué, tous chiffres d’affaires inclus, à hauteur de 4,1 milliards de francs. Plus de 33’000 postes de travail en 2019 sont générés autour de notre activité dont 11’000 travaillent sur le site.
GA gagne à peu près 50% de ses revenus par des redevances sur le nombre de passagers (80%) et de la taxe sur le poids des avions (20%).
Le fret transporté par les avions à GA, contrairement à Bâle, n’est certes pas important en termes de volumes. De plus il n’y a pas de vols qui lui sont uniquement réservés. Tout notre fret est placé dans les vols de ligne, avec les passagers et il est souvent de grande valeur. C’est un grand avantage pour certaines entreprises de la région (laboratoires, pharma, horlogerie, …) qui n’ont pas à attendre un vol spécial pour ce fret. Il faut aussi ajouter les 2 ou 3 vols qu’on appelle « les intégrateurs », comme Fedex et DHL, qui atterrissent assez tôt en début de journée.

Pouvez-vous préciser ce qui est du ressort l’OFAC, du canton et de GA ?
(Note de la rédaction en italique)

L’OFAC pour la Confédération par le PSIA fixe le cadre contraignant de l’activité exercée par Genève-Aéroport.
Par exemple, les heures d’ouverture dépendent de l’OFAC, en accord avec le Canton.

Le canton de Genève : Le canton adopte la loi sur l’Aéroport International de Genève (actuellement en révision suite à la votation du 24 novembre 2019). Le Conseil d’Etat fixe régulièrement une convention d’objectifs, pour permettre à GA son adaptation à l’évolution de l’aéronautique, par pesée d’intérêts adéquate avec les politiques publiques connexes (sécurité, santé, protection de l’environnement, l’emploi, l’aménagement du territoire).

Genève Aéroport est chargé de l’exploitation et du développement de la plateforme dans les cadres prescrits, fixe les redevances, en concertation avec les autres aéroports et les compagnies : «redevance atterrissage et décollage» (qui dépend du poids l’avion) et la « redevance passagers ». Elles ne peuvent pas dépendre de la classe de bruit de l’avion. Par contre Genève Aéroport a décidé, à partir de 2021 et pour ces trois prochaines années, de créer un « soutien incitatif », qui consiste à retenir une partie des redevances puis à la redistribuer aux compagnies en fonction de leurs efforts en matière de taux de remplissage, et d’avions de dernière génération, Néo ou autres, ce qui induit une réduction du bruit et de la consommation de kérosène Ça, c’est une action qui est du ressort de Genève-Aéroport.
La taxe-bruit créée il y a 4 ans alimente, elle, un compte séparé des autres redevances. Cette taxe est modulée en fonction de la classe de bruit de l’avion et les montants perçus ne peuvent pas être utilisés pour autre chose que les actions contre le bruit (insonorisation des bâtiments riverains, etc.)

Parlez-nous des ambitions de GA pour 2021-2024.

Nous avons créé cette incitation, décrite ci-dessus, en accord avec les compagnies pour les encourager à utiliser des avions moins polluants et moins bruyants.
Au niveau de l’aéroport, nous poursuivons nos efforts de développement durable et de réduction des émissions de CO2. Les travaux sont en cours pour remplacer mazout et gaz, utilisés pour le chauffage et la climatisation, par la géothermie et les pompes à chaleur à partir de l’eau du lac (projet Genilac).
Nos actions futures vont vers un aéroport à zéro émission de carbone. A cet effet, nous avons mis en place une feuille de route, avec comme objectif un aéroport à 0% d’émission de CO2 pour 2035-2040 et le même objectif pour l’industrie d’aviation suisse pour 2050. Il est aussi prévu dans le cadre de cette feuille de route d’utiliser des extracteurs de carbone.

A propos du dialogue avec les communes riveraines.

Deux représentants des communes riveraines de l’aéroport et un de la France voisine participent au conseil d’administration de GA.
Nous organisons aussi des consultations régulières, sous forme de commissions (CCLNTA, ou CCE) ou ponctuellement (ATCR-AIG, Groupement des communes de la rive droite), avec les représentants des communes ou des riverains, qui peuvent ainsi s’exprimer et nous transmettre leurs inquiétudes et celles de leurs concitoyens et concitoyennes en toute. Dans l’autre sens, nous pouvons leur présenter nos actions et nos projets.

Quelle est la connectivité de GA avec les liaisons intercontinentales ?

Les liaisons au départ de GA sont en grande majorité européennes. Les liaisons intercontinentales sont plus faibles en regard d’un hub, comme pour l’aéroport de Zurich. C’est aussi la raison pour laquelle les vols à destination de cette ville sont relativement fréquents et sur toute la journée pour assurer une bonne connectivité pour emprunter des vols intercontinentaux en partance de Zürich. D’ailleurs il y a très peu de passagers qui empruntent l’avion pour aller uniquement à Zürich. Ces cas d’utilisation du hub à Zürich sont difficilement remplaçables par le train pour rejoindre cette ville. Il en va de même avec les vols vers Paris ou autres hubs européens. Depuis les dernières années, nous nous efforçons de développer uniquement de nouvelles lignes intercontinentales (comme Addis Abeba).
Dans les autres cas lorsqu’il ne s’agit pas de correspondance avec d’autres vols, nous sommes d’accord avec vous que sur les courtes distances le train est de loin préférable. C’est ce que nous appliquons d’ailleurs pour notre personnel.

Et qu’en est-il des vols après 22 heures ?

Dans le cadre du PSIA, il nous est possible de voler jusqu’à minuit. Le PSIA ne parle pas non plus de 22 heures comme limite d’ouverture. Et ce n’est pas nous qui fixons les heures d’ouverture, c’est la Confédération en accord avec les cantons et le PSIA (création d’une « courbe de bruit » à respecter pour chaque aéroport). De ce fait, nous œuvrons pour réduire notre impact bruit (mesuré par la courbe de bruit) en respectant nos heures d’ouverture. En 2019 (avant la crise COVID), nous avons déjà approché fortement la courbe cible de 2030, ce qui démontre notre capacité à traduire un engagement en résultat.
Actuellement, après 22 heures, nous avons à l’horaire un seul décollage (sur 3 autorisés par le PSIA) et une vingtaine d’atterrissages, plus d’éventuels retards. Mais si le cadre du PSIA dans sa prochaine mouture par rapport aux heures d’ouverture, sur volonté des différents acteurs politiques, changeait, nous nous adapterons bien évidemment. Finalement, sauf cas d’urgence, il n’y a pas de vols entre minuit et 6 heures du matin.

Sur la question du bruit, on entend naturellement les critiques, mais on ne va jamais pouvoir satisfaire pleinement tout le monde. Notez aussi que jusqu'en 2019, soit avant la crise, on a déjà pratiquement fait les 90% du chemin vers la réduction de bruit souhaitée par PSIA pour 2030.
La courbe du nombre de mouvements s’est stabilisée (et elle a même commencé de descendre) par un taux de remplissage qui s’est continuellement amélioré sur les dernières années. (Voir cette courbe sur le site de Versoix-Région / QRcode).

Où je suis d’accord avec vous, et c’est là le défi, c’est que nous sommes un aéroport urbain, d’où notre effort de réduire l’impact sur nos voisins, et on va essayer de défendre ce qu’on estime être un bon compromis.

Quelles sont les actions de GA contre les nuisances sonores et/ou à effet de serre ?

Nous sommes tout à fait d’accord que pour se rendre et rester à Zurich ou Paris, cela n’a pas de sens de prendre l’avion, le train peut le remplacer. Mais plutôt que dire supprimons des mouvements d’avions afin de limiter le bruit et les nuisances engendrées par ceux-ci, nous avons une autre vision de l’avenir, qui consiste à réduire les nuisances plutôt que d’interdire les vols.
Dans ce cadre, je peux vous informer que les compagnies aériennes Easyjet et Swiss, les trois aéroports internationaux suisses ainsi que l‘association suisse d’aviation d’affaires ont pris l’engagement d’être sans émission de carbone d’ici 2050. Nous avons établi une feuille de route précise (visible sur le site de Versoix-région) en collaboration avec des universités, l’OFAC et l’OFEV.
Quant au bruit occasionné par les avions eux-mêmes, nous continuons d’augmenter le nombre des vols avec des avions de dernière génération, moins bruyants. De plus, les compagnies y ont elles aussi un intérêt : elles cherchent à utiliser davantage des avions plus économiques et moins bruyants.
Pour l’avenir, notre aiguilleur du ciel, Skyguide, travaille sur l’application de procédure de vol pour réduire les émissions comme le concept appelé « continuous descent ». Cette technique d’approche diminuerait les nuisances sonores et les émissions de CO2 lors des atterrissages.
Nous sommes aussi confiants quant aux possibilités techniques futures permettant de supprimer également les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre. D’abord au niveau du fonctionnement de l’aéroport (chauffage et refroidissement, trafic sur le tarmac). Mais on doit aussi être ambitieux pour les avions, comme le montre la feuille de route de l’aviation suisse.
Dans un premier temps nous tablons sur l’utilisation de carburant bio, produit à partir de déchets, qui peux réduire les émission CO2 autour de 80%. Mais on ne disposera pas de quantités suffisantes. Pour pouvoir produire les quantités nécessaires, on suivra avec l’utilisation de kérosène synthétique. Plus tard, les propulsions réalisées grâce à des motorisations électriques ou/et à l’hydrogène permettront sans doute d’atteindre complètement l’objectif visé.

Malgré la crise COVID, nos actions volontaristes et innovantes en faveur de la protection de l’environnement n’ont pas cessé.
Le programme d’insonorisation des habitations dans les communes riveraines de l’aéroport a continué d’être déployé en 2020 : Depuis 2004, près de 4028 logements ont été insonorisés pour un montant de 56 millions de francs et GA mène une politique engagée en termes de gestion des émissions de CO2. Il a acheté en 2020 plus de 8.200 tonnes de certificats CO2 destinés à compenser ses émissions résiduelles de 2019.
L’aéroport de Genève s’attache constamment à favoriser son accès aux transports publics. Nous offrons à chaque passager arrivant à Genève Aéroport un billet gratuit pour les transports publics et depuis 2018 six lignes matinales d’Aérobus desservent gratuitement la plateforme aéroportuaire.


Cet entretien, intéressant et détendu, a permis d’aborder ces sujets plus en profondeur et d’autres aussi. Il a eu lieu le 13 juillet 2021 dans le bureau de Monsieur Schneider qui jouit d’une vue imprenable sur la piste tout en étant très bien insonorisé.
Nous avons ainsi pu réaliser cette interview dans d’excellentes conditions. Nous remercions Monsieur Schneider et Monsieur Jeannerat pour leur accueil, leur franchise et pour les nombreuses informations fournies.


Michel Jaeggle et Pierre Dupanloup

Lexique :

GA : Genève-Aéroport
OFAC : Office Fédéral de l’Aviation Civile
OFEV : Office Fédéral de l’environnement
PSIA : Plan Sectoriel de l'Infrastructure Aéronautique
CCLNTA : Commission consultative pour la limitation des nuisances du trafic aérien
ATCR-AIG : Association transfrontalières des communes riveraines de l’Aéroport international de Genève
CCE : Commission consultative sur l’environnement.

Documents mis à disposition par Genève Aéroport à l'occasion de cette entrevue :

 

- la feuille de route de l’aviation suisse, résumé en français et allemand :
            Essentiel F (1page) / Résumé F (7 pages) / Complet D+F (118 pages)

- l’évolution des mouvements (extrait du rapport annuel 2020)  
              https://rapports.gva.ch/ra/2020/fr/Article/activites-aeriennes-et-commerciales-entravees

- la plaquette courbes de bruit et courbes

- indications trafic et destinations (extrait du rapport annuel 2020) :
    https://rapports.gva.ch/ra/2020/fr/Article/activites-aeriennes-et-commerciales-entravees

- tableau des indicateurs

- Communiqué de presse GA juin 1er 2021 : L'aviation suisse s'engage pour  une réduction des émissions CO2

- Aviation Research Center Switzerlandourb (ARCS) crée en 2017

- Genève Aéroport Rapport de développement durable 2019 
  et  https://rapports.gva.ch/getmedia/3d411d01-e2a7-4089-ac64-c0bcb0dcd986/Flyer_RDD_Fr.pdf

 

auteur : Pierre Dupanloup

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 1 réaction(s) sur "Genève-Aéroport exprime sa vision du trafic aérien"
information : Versoix-Région n’assume aucune responsabilité quant aux contenus des commentaires.

pierre@dupanloup.ch (11.10.2021 14:57)
A croire la direction de Genève Aéroport,
TOUT VA BIEN DANS LE MEILLEUR DES MONDES !

On apprend avec satisfaction que la science (celle des media !) défie maintenant les lois de la chimie et de la thermodynamique.
.... l'utilisation de carburant bio, produit ? partir de déchets, qui peux r?duire les émissions CO2 autour de 80% .... ce qui signifie en bonne logique que les rejets de CO2 seraient divisés par 5 ! Quel esprit logique peut croire cela, sinon les "gobeuses" et les "gobeurs" de fakenews ?

Pas besoin d'être chimiste* pour savoir que la combustion complète d'un hydrocarbure (environ 14g de carburant)- que l'on suppose être le nouveau carburant bio fabriqué à partir de déchets ou d'un produit à base de carbone issu d'une nouvelle production miraculeuse à base de salicorne, produit avec le sable du désert, de soleil et d'eau de mer - ne peut que produire au mieux qu'une molécule-gramme de CO2 (44 g de CO2 et 18g de vapeur d'eau) sans parler des autres résidus associés.
Alors prétendre que la consommation des avions peut être divisé par 5 (diminution de 80% des émissions de CO2 relève de l'enfumage et appelle quelques explications supplémentaires. D'autant que cette affirmation n'a pas été mentionnée au moment de l'interview et ajoutée lors de la relecture par la direction de Genéve Aéroport.

*A moins que l'instruction publique n'enseigne plus les lois qui régissent le monde et la nature ?

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